Témoignage de Adeline Mutembanema
Lieu de déploiement : Lettonie
« Que faites-vous dans deux semaines? »
À l’automne 2016, Adeline venait de terminer son diplôme d’études supérieures en santé des populations et évaluation des risques, dont un stage à l’Organisation mondiale de la Santé à Genève, en Suisse, lorsqu’elle a reçu un appel téléphonique des ressources humaines des SBMFC. On lui a demandé si elle avait reçu un courriel l’invitant à participer à un cours de formation et de sélection avec le Soutien aux déploiements à Halifax, qui débuterait dans quelques semaines.
« J’ai manqué le courriel, alors on m’a dit qu’on pouvait faire l’entrevue le lendemain par téléphone, se souvient Adeline. Je ne savais pas dans quoi je m’embarquais jusqu’à ce que je me présente à Halifax quelques semaines plus tard. Je ne pense même pas avoir soumis ma candidature pour le poste de Soutien aux déploiements. »
Adeline raconte tout cela en riant. Même si elle ne savait pas à quoi s’attendre, elle admet qu’elle était prête pour l’aventure. Athlète de longue date, surtout au basket-ball, au touch-football et en athlétisme, Adeline travaillait comme monitrice de conditionnement physique à Ottawa. Elle était très enthousiaste à l’idée d’en apprendre davantage sur les SBMFC et les FAC.
« J’ai travaillé comme conseillère de camp d’été pour la base d’Uplands avec les PSP lorsque j’étais étudiante à l’Université d’Ottawa en 2009 et que je terminais mon baccalauréat en sciences biomédicales et de la santé. Mais amuser les enfants était tout ce que je connaissais alors. Je ne savais rien de cette organisation, ni de l’armée, ni des grades, ni des déploiements. »
Formation et sélection – une révélation
Adeline admet que les recruteuses et recruteurs ont peut-être été un peu surpris de la voir débarquer à la base navale d’Halifax quelques semaines plus tard.
« Je me suis présentée avec des cheveux bien coiffés et des ongles manucurés, dit-elle en riant. Ils se sont probablement demandé qui était cette Adeline et si elle était consciente dans quoi elle s’embarquait. »
Adeline a été regroupée avec une trentaine d’autres spécialistes en conditionnement physique, dont plus de la moitié étaient des candidats internes connaissant bien l’organisation. Elle a tout de suite été impressionnée, non seulement par la rigueur de l’entraînement physique et de la formation à la vie militaire, mais aussi par l’attention et l’observation individuelles dont elle a fait l’objet de la part des recruteurs et recruteuses.
« On vous regarde et vous observe tout le temps, dit Adeline. Ils examinent également la façon dont vous interagissez avec les autres pendant la formation et qui serait en meilleure position pour travailler avec vous. L’équipe avec laquelle vous partez en mission est importante, car elle peut faire en sorte que la mission se solde par un échec ou une réussite. »
Pour l’essentiel, Adeline s’est sentie à l’aise avec les gens, la formation et l’hébergement.
« Nous avons dormi dans les logements de la base, qui ressemblaient à un hôtel, dit-elle. Une grande partie de la formation consistait à s’habituer à vivre dans une base avec des membres du personnel militaire, à manger au mess avec eux et avec elles et à se préparer aux situations d’urgence. À un moment donné, on nous a réveillés au beau milieu de la nuit et on nous a demandé de prendre nos effets personnels, d’évacuer les lieux et de dormir sur des lits de camp dans le gymnase, avant qu’on nous réveille à la première heure le lendemain matin pour l’entraînement physique. »
L’ombre d’un doute
À un moment de l’entraînement, Adeline a paniqué et a pensé à tout abandonner.
« Honnêtement, je n’avais pas eu le temps de lire toute la trousse d’information au préalable, explique-t-elle. Nous avons suivi une formation sur un navire militaire et dès qu’ils ont mentionné que nous devions passer en mode survie, près de l’eau, je suis allée voir la directrice et je lui ai dit : « Je ne sais pas nager, je ne peux pas être sur un navire militaire. Je ne suis pas faite pour ça. »
Adeline a été rassurée sur le fait qu’il n’y avait pas d’obligation de partir en mission sur un navire militaire.
« Les recruteurs et recruteuses veulent que vous réussissiez, déclare Adeline. J’ai vraiment aimé le fait qu’ils vous posent des questions honnêtes sur l’endroit où vous vous sentez à l’aise et sur les personnes avec lesquelles vous voulez partir en mission. Ils vous donnent un aperçu de chaque déploiement potentiel et j’ai pu être franche avec eux et avec moi-même sur ce que je peux tolérer et ce que je ne peux pas. »
En fin de compte, le seul endroit où Adeline se sentait à l’aise de partir était la Lettonie. Née au Rwanda et au Congo, et ayant grandi au Zimbabwe, Adeline a déménagé à Ottawa avec sa famille au début des années 2000, à l’âge de 15 ans. Elle ne se sentait pas à l’aise dans une zone de conflit.
À l’époque, l’Europe lui semblait sécuritaire.
« J’avais déjà vécu en Europe. Je ne savais pas vraiment où se trouvait la Lettonie, mais comme j’avais déjà vécu en Suisse et en France, j’ai pensé que ce pays était semblable, dit-elle en riant. J’ai donc dit :
« Oui, affectez-moi à un pays charmant comme la Lettonie. »
L’heure de partir en mission
Huit mois plus tard, Adeline a reçu un autre appel, cette fois pour lui demander si elle pouvait être prête en moins de trois semaines pour partir en mission en Lettonie.
On lui a remis une liste de matériel et l’autorisation d’emporter trois sacs contenant des effets personnels.
« Je suis très particulière en ce qui concerne ma literie, explique Adeline. Un sac était rempli de draps, d’oreillers et de couvertures. Je savais qu’on me fournirait tous ces articles, mais il était important pour moi d’avoir ce confort.
Après des examens médicaux et de mieux-être accélérés, elle est arrivée à Riga dans un groupe accueillant.
« Des moniteurs et monitrices de conditionnement physique qui avaient participé à mon entraînement à Halifax étaient là pour m’accueillir à l’aéroport. C’était réconfortant de voir des visages familiers. »
Le groupe est rapidement arrivé à la base de l’OTAN et Adeline s’est installée dans son dortoir de huit femmes, de type cabine, avec un espace commun et une salle de bain.
« J’étais un peu sceptique à l’idée de partager une salle de bain avec huit femmes, dit Adeline en riant.
« Et encore une fois, je n’avais pas lu toute l’information. Je n’avais pas réalisé qu’il s’agissait d’une base de l’OTAN accueillant plusieurs pays. J’arrive donc sur place et il y a des gens d’Italie, d’Espagne et du monde entier et j’ai un regain d’énergie. »
« J’adore voyager. J’aime les autres cultures. Pour moi, c’était encore mieux que ce que j’avais imaginé. »
Travail, loisirs, mess
Parmi les premiers moniteurs de conditionnement physique arrivés sur la base en Lettonie, Adeline et sa petite équipe ont été chargés d’aider à la mise en place du gymnase, y compris l’aménagement et l’organisation de l’équipement. Ils et elles ont supervisé de nombreux entraînements physiques en plein air, jusqu’à ce qu’enfin, le gymnase soit prêt en novembre.
« Une fois le gymnase ouvert, des milliers de personnes s’y rendaient chaque semaine. Lorsqu’il s’agissait de l’entraînement, nous encadrions littéralement tous ceux et celles qui nous le demandaient. J’ai donc aidé des militaires espagnols, canadiens, slovènes et de toutes les nationalités. »
Elle souligne que les journées de travail ne laissent que peu de temps libre et qu’il faut interagir avec les gens pendant les repas et même dans des espaces privés.
« Comme je suis une extravertie, ça allait pour moi, dit Adeline. Cela ne veut pas dire que les personnes introverties ne peuvent pas le faire, mais il faut connaître ses capacités et savoir quand on atteint ses limites. »
Adeline a pris le temps de s’attabler avec plusieurs militaires pendant les repas au mess.
« Ils me demandaient pourquoi je ne mangeais pas avec mes collègues, les moniteurs et monitrices de conditionnement physique, raconte Adeline.
« Il s’agissait pour moi d’établir un lien avec les gens. Je crois vraiment qu’il faut connaître sa clientèle. C’était l’occasion pour moi de m’asseoir et d’apprendre à connaître les gens, de comprendre le contexte militaire. C’est la raison pour laquelle j’étais là. »
Soutien aux déploiements – « Pourquoi pas vous ? »
Avec deux missions en Lettonie à son actif, Adeline estime que les candidats et candidates internes devraient absolument envisager ce poste comme une occasion de perfectionnement professionnel. Même si le travail est exigeant, on peut profiter des fins de semaine pour explorer les environs (pour elle, ce fût les cafés, les centres commerciaux et les châteaux de Riga) et une possibilité de voyage rémunéré de deux semaines à mi-parcours du déploiement.
« Vous avez la possibilité de voyager, de voir le monde, de découvrir différentes cultures, sans rien débourser de votre propre poche.
C’est un excellent moyen de faire progresser sa carrière », déclare Adeline.
« La plupart des personnes que je connais qui sont parties en mission finissent par obtenir une promotion à leur retour. J’incite tout le monde à relever le défi. C’est une occasion formidable. Pourquoi ne pas s’investir? »